Hery RAJAONARIMAMPIANINA garde sa place, comme tout le monde!!
Madagascar :
Décision n°24-HCC/D3 du 12 juin 2015 relative à la résolution de mise en accusation du Président de la République Hery RAJAONARIMAMPIANINA
La Haute Cour Constitutionnelle,
Vu la Constitution ;Vu l’Ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que par bordereau d’envoi
n°053-2015/AN/P du 27 mai 2015 enregistré le même jour au greffe de la
Haute Cour Constitutionnelle, le Président de l’Assemblée Nationale a
transmis à la Cour de céans les pièces suivantes :
– Requête de mise en accusation afin de déchéance de Monsieur le Président de la République Hery RAJAONARIMAMPIANINA ;
– Listes et émargements des députés des groupes parlementaires Leader Fanilo : 04, Hiaraka Isika : 06, GPU : 01, VM et Indépendants : 16, MAPAR : 22, GPS : 22, MAPAR 2 et MAPAR 3 : 09, VPM/MMM :13, TIM : 21 ;
– Famintinana ny fivoriambe ;
– Résolution de mise en accusation afin de déchéance de Monsieur le Président de la République Hery RAJAONARIMAMPIANINA ;
– bulletins de vote ;
– Requête de mise en accusation afin de déchéance de Monsieur le Président de la République Hery RAJAONARIMAMPIANINA ;
– Listes et émargements des députés des groupes parlementaires Leader Fanilo : 04, Hiaraka Isika : 06, GPU : 01, VM et Indépendants : 16, MAPAR : 22, GPS : 22, MAPAR 2 et MAPAR 3 : 09, VPM/MMM :13, TIM : 21 ;
– Famintinana ny fivoriambe ;
– Résolution de mise en accusation afin de déchéance de Monsieur le Président de la République Hery RAJAONARIMAMPIANINA ;
– bulletins de vote ;
Considérant que par ladite requête en
date du 22 mai 2015, adressée à Monsieur le Président de l’Assemblée
Nationale, les députés de Madagascar Freddie MAHAZOASY, TSABOTOKAY
Honoré, DJAOSERA Irénée, RAZAFIMANANTSOA Hanitriniaina, LIAHOSOA
Malement, MOHAMAD Ahmad et Christine RAZANAMAHASOA, demandent à ce
dernier d’enclencher la procédure de mise en accusation du Président de
la République Hery RAJAONARIMAMPIANINA telle qu’elle est prévue par la
Constitution;
Considérant que par ladite résolution en date du 27 mai 2015, les nommés :
– ANDRIAMITANTSOA RAMASINDRAIBE Benjamin, député, Président du Groupe parlementaire TIM ;– DINAH Romual, député, Président du Groupe parlementaire Leader Fanilo ;
– MILAVONJY Andriasy Philobert, député, Président du Groupe parlementaire VPM/MMM ;
– RAZAFINDRAFITO Lova Narivelo, député du Groupe HVM ;
– VELONTSARA Paul Bert, député, Président du Groupe parlementaire Hiaraka Isika,
accusent Monsieur Hery RAJAONARIMAMPIANINA, Président de la République, de haute trahison, de violation grave et répétée de la Constitution et de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat et demandent à la haute juridiction de céans de :
– prononcer la déchéance de Monsieur Hery RAJAONARIMAMPIANINA de son mandat de Président de la République ;
– constater la vacance de la présidence ;
– suspendre, par avant-dire droit, la présidence ;
– dire que l’actuel Gouvernement s’en tiendra uniquement à l’expédition des affaires courantes ;
– faire une application combinée des dispositions des articles 52 alinéa 2 et 166 alinéa 3 de la Constitution et par voie de conséquence, désigner le Président de l’Assemblée Nationale pour exercer les fonctions de chef de l’Etat ;
I.-Prétentions des parties
I.a.- les demandeurs
Considérant qu’à l’appui de leur
demande, ils exposent que le Président de la République Hery
RAJAONARIMAMPIANINA a sciemment violé, voire méprisé, de façon grave,
répétée et inconsidérée la Constitution par les faits suivants :
Qu’ il a violé le principe de la laïcité de
l’Etat posé par l’article 2 de la Constitution en confiant au FFKM, une
institution religieuse, le soin de mener le processus de réconciliation
nationale et en cautionnant officiellement ce processus en signant la
résolution finale des travaux; qu’en mandatant le FFKM au détriment du
FFM, dépositaire de cette mission, il a violé l’article 168 de la
Constitution;
Que la non mise en place de la Haute
Cour de Justice dans le délai de 12 mois constitue une violation de
l’article 167 de la Constitution ; que cependant, en ce qui concerne le
Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de droit,
l’Assemblée Nationale a déjà voté la loi s’y rapportant ; qu’ainsi, le
Président de la République a manqué à son devoir d’inviter les instances
qui devraient désigner les membres de cet organe prévu par la
Constitution à procéder à de telles nominations ;
Que le non respect de promulgation des lois
dans le délai prescrit par la Constitution, la promulgation de
l’ordonnance n°2014-001 du 18 avril 2014 portant organisation et
fonctionnement de l’Assemblée Nationale alors que cette institution
était déjà fonctionnelle et installée dans sa fonction législative et
l’organisation de rencontres officielles entre membres de l’exécutif et
des parlementaires à plusieurs reprises au Palais présidentiel,
constituent une violation des articles 59 et 79 de la Constitution ainsi
que du principe de séparation des pouvoirs;
Qu’enfin, l’article 5 alinéa 2 de la
Constitution dispose que l’organisation et la gestion de toutes les
opérations électorales relèvent de la compétence d’une structure
nationale indépendante ; qu’avec le décret n°2015-617 du 1er avril 2015
fixant les modalités d’organisation des élections communales et
municipales, modifié par le décret n°2015-630 du 07 avril 2015, le
Gouvernement a agi aux lieu et place de la CENI-T avec le consentement
tacite du Président de la République;
Que de tout ce qui précède, selon les
requérants, le Président de la République Hery RAJAONARIMAMPIANINA,
garant de la Constitution, n’est plus digne d’exercer la fonction
suprême et a violé le serment qu’il a donné lors de son investiture à
Dieu, aux ancêtres et au peuple Malagasy;
Qu’en conséquence, les requérants demandent à la haute juridiction de
céans d’accéder à la mise en œuvre de la résolution citée ci-dessus ;I.b- le défendeur
Considérant que dans son mémoire en
défense déposé à la Haute Cour Constitutionnelle le 02 juin 2015, le
Président de la République, par le truchement de ses conseils Mes
Richard RAKOTOMANGA et Sahondra RANDRIAMORASATA, Avocats au barreau de
Madagascar, fait soutenir l’irrecevabilité et, subsidiairement, le non
fondement de la requête, en faisant valoir notamment:
A- Sur l’irrecevabilité en raison de vices de procédure manifestes :1./- de la manipulation des chiffres :
Considérant que le défendeur soutient
que la requête en déchéance présentée par les demandeurs comporte 114
signatures (et non 121 comme affirmé dans les médias) dont certaines
sont des faux;
Qu’en effet, avec 64 parlementaires
déclarant solennellement s’opposer à la déchéance du Président de la
République, le chiffre de 121 députés votants ainsi que la majorité de
2/3, soit 102 députés, sont loin d’être atteints ;
2./- de la violation des règles de procédure :
Considérant que la loi organique
relative à la Haute Cour de Justice est une loi de procédure,
d’application immédiate pour la présente procédure;
Que la Haute Cour constitutionnelle doit
en faire application pour le caractère contradictoire de la procédure
et la garantie des droits de la défense;
2.a- de la violation des articles 20, 21 et 25 de la loi organique n°2014-043:
Considérant qu’en l’espèce, aucun
rapport d’enquête n’a été établi et que le Président de l’Assemblée
Nationale n‘est intervenu pour notifier le Président de la République de
l’existence d’une motion de résolution visant sa déchéance, bafouant
ses droits à la défense et le caractère contradictoire de chaque étape
de la procédure;
2.b- de la nécessité d’une plainte préalable déposée par toute personne morale ou des membres d’une association:Considérant que l’article 14 de la loi organique n°2014-043 exigeant certaines conditions sur la recevabilité de la requête n’a pas été respecté;
Qu’il en est de même de la procédure édictée par les articles 15 à 18 de la même loi ;
2.c- de la violation des articles 19 et 23 de la loi organiquen°2014-043
Considérant que la violation de ces deux
articles entraîne la nullité de la procédure au motif que les députés
élus membres de la Haute Cour de Justice par l’Assemblée Nationale ont
pris part aux débats et au vote aboutissant à l’adoption de la
résolution de mise en accusation;
2.d- de la violation des articles 27 et suivants de la loi organique n°2014-043Considérant que la loi organique n°2014-043 prévoit l’instruction du dossier à l’issue d’un vote régulier à l’Assemblée Nationale ;
Qu’en tout état de cause, la Haute Cour
Constitutionnelle ne saurait prendre une sanction sans qu’il y ait eu au
préalable instruction devant la chambre d’instruction tel qu’il est
prévu à l’article 30 de ladite loi ; que l’arrêt de renvoi rendu par la
chambre d’instruction constitue l’acte de saisine de la Haute Cour de
Justice ou la Haute Cour constitutionnelle, juridiction de substitution;
Que par conséquent, la requête adressée directement à la Haute Cour constitutionnelle est irrecevable ;3/- de la violation des règles constitutionnelles :
Considérant qu’en vertu de l’article 131
de la Constitution, le Président de la République ne peut être mis en
accusation que par l’Assemblée Nationale au scrutin public et à la
majorité des deux tiers de ses membres ;
Que le vote de la motion de mise en accusation par l’Assemblée Nationale dans la nuit du 26 au 27 mai 2015 a eu lieu au vote secret ;
Qu’en application des dispositions constitutionnelles sus-rappelées, ce vote est tout simplement nul ;Que le vote de la motion de mise en accusation par l’Assemblée Nationale dans la nuit du 26 au 27 mai 2015 a eu lieu au vote secret ;
Qu’en effet, un scrutin public est défini par le lexique des termes juridiques comme le « scrutin dans lequel le vote émis par chacun est connu de tous »;
Que par ailleurs, la pratique
universelle veut que les votes dans les assemblées parlementaires aient
lieu au scrutin public soit à main levée, soit par vote électronique
mais qui permet d’identifier le sens du vote de chaque parlementaire ;
Que tel n’est pas le cas, ce qui emporte d’office l’irrecevabilité de la requête ;B/ Sur les irrégularités de la saisine de la Haute Cour Constitutionnelle :
Considérant que conformément à l’article
167 de la Constitution, le Président de la République a invité les
instances compétentes à désigner les membres qui composeront la Haute
Cour de Justice dans le délai de 12 mois à compter de son investiture
intervenue le 25 janvier 2014 ;
Qu’au niveau de l’Assemblée Nationale,
les membres titulaires de la Haute Cour de Justice en la personne de
HOUSSEN Abdallah et Richard Jean Bosco RIVOTIANA et leurs suppléants,
ont été élus le 20 janvier 2015 ; Que de même, au moins six membres de
la Haute Cour de Justice sont identifiés ou identifiables en la personne
du Premier Président de la Cour Suprême qui siège es qualité en tant
que Président de la Haute Cour de Justice, de deux Présidents de Chambre
au sein de la Cour de Cassation et de deux Premiers Présidents de Cour
d’Appel ;
Que par ailleurs, les membres de la Chambre d’instruction présidée
par le Président du Conseil d’Etat sont également identifiables ;Que la Haute Cour de Justice ne siège pas en permanence, tous ses membres occupant par ailleurs d’autres fonctions principales ;
Que c’est seulement après une saisine officielle qu’elle est amenée à se réunir pour statuer sur les dossiers dont elle est saisie ;
Que dès lors, il y a lieu de déclarer la requête irrecevable ;
C/- de l’absence de fondement juridique de la mise en accusation
Considérant que subsidiairement, il fait soutenir que la présente mise en accusation ne repose sur aucun fondement juridique ;
Que la haute trahison s’analyse comme le
fait de porter les armes contre la République ou de s’allier à une
puissance étrangère contre les intérêts de la nation;
Que la violation grave ou les violations
répétées de la Constitution s’analysent comme des atteintes graves aux
principes fondamentaux de la République et de la démocratie ;
Que les manquements aux devoirs du Président de la République s’analysent comme des comportements indignes de sa charge ;
Qu’en tout état de cause, aucun des
moyens avancés par les requérants ne correspond, même de loin, à aucun
des motifs de déchéance tels qu’ils sont définis ci-dessus ;
Considérant que sur la prétendue
violation de l’article 167 de la Constitution, il ne peut y avoir
violation de la loi fondamentale car en ce qui concerne l’application de
l’article relatif à la mise en place de la Haute Cour de Justice, le
Président de la République a effectué son devoir constitutionnel dès
lors qu’il a invité les instances compétentes à désigner les membres qui
composeront la Haute Cour de Justice dans le délai de 12 mois à compter
de son investiture intervenue le 25 janvier 2014 ;
Que sur la prétendue atteinte au
principe de la laïcité de l’Etat, la démarche de réconciliation
nationale sous l’égide du FFKM constitue un dialogue national et ne
revêt en aucune manière un caractère officiel au sens juridique du terme
; que par ailleurs, les résolutions adoptées n’ont pas de valeur
contraignante pour l’Etat ; qu’il appartient par la suite au Président
de la République de déterminer lesquelles desdites résolutions peuvent
être adoptées et dans quelles mesures ;
Que le FFKM a dirigé la réconciliation nationale en sa qualité de « Raiamandreny »;
que la démarche de réconciliation s’étant opéré dans un cadre non
institutionnel, la laïcité ne peut être invoquée et le Président de la
République n’a en aucun cas violé la Constitution ;
Que sur la prétendue violation de
l’article 168 de la Constitution, le fait pour le FFKM d’avoir mené la
réconciliation nationale n’empiète nullement sur les attributions du FFM
; que le Président de la République n’a pas violé la Constitution en
participant et en cautionnant ce dialogue national ;
Que concernant la promulgation de
l’ordonnance n°2014-001 relative à l’Assemblée Nationale, déjà mise en
place, l’article 165 alinéa 2 de la Constitution dispose que « les
textes à caractère législatif relatifs à la mise en place des
institutions et organes, ainsi que les autres lois d’application prévues
par la présente Constitution seront pris par voie d’ordonnances » et
qu’au demeurant, ladite ordonnance a été déclarée conforme à la
Constitution par la Haute Cour constitutionnelle ;
I.c- de la réplique des demandeurs
Considérant que les demandeurs, par
l’organe de leurs conseils, Me RAKOTONDRAVONY M. Tahiana, Mes
RANDRIANJAFINONY Solange & RANARIVELO Andrianiaina et Me ALIARIVELO
Maromanana, constitués suivant lettres de constitution en date du 02
juin 2015, maintiennent et confirment les termes de leur requête et
apportent les précisions suivantes :
Sur la forme :
Considérant que sur la base de l’article
34 de l’ordonnance n°2001-003 selon lequel « les requêtes introductives
d’instance frappées d’irrecevabilité ou de nullité pour inobservation
des prescriptions de la loi ne donnent pas lieu à échange de mémoire ou
conclusions », les demandeurs soutiennent que les échanges de mémoire en
défense mettent fin à tout débat sur la recevabilité ;
Sur le fond :
Sur les moyens de défense du défendeur ;
Considérant que les demandeurs contestent les moyens du défendeur sur :
– l’irrecevabilité en raison de vices de procédure basés, entre autres, sur l’exigence de quorum pour le nombre de signatures ;
– l’irrégularité de la saisine de la Haute Cour Constitutionnelle ;
– l’application effective de la loi organique n°2014-043 du 9 janvier 2015 relative à la Haute Cour de Justice ;
Considérant que les demandeurs contestent les moyens du défendeur sur :
– l’irrecevabilité en raison de vices de procédure basés, entre autres, sur l’exigence de quorum pour le nombre de signatures ;
– l’irrégularité de la saisine de la Haute Cour Constitutionnelle ;
– l’application effective de la loi organique n°2014-043 du 9 janvier 2015 relative à la Haute Cour de Justice ;
Considérant que les demandeurs maintiennent et confirment leurs précédentes écritures en ce qui concerne :
– la haute trahison ;
– la violation grave ou répétée de la Constitution ;
et ajoutent le nouveau moyen de la violation de l’article 73 de la Constitution relatif à l’immunité parlementaire ;
I.d- des observations orales en audience publique du 10 juin 2015– la haute trahison ;
– la violation grave ou répétée de la Constitution ;
et ajoutent le nouveau moyen de la violation de l’article 73 de la Constitution relatif à l’immunité parlementaire ;
- Demandeurs
Considérant que les demandeurs soutiennent :
– la recevabilité de leur demande et la compétence de la Haute Cour Constitutionnelle, conformément à l’article 167 alinéa 2 de la Constitution et l’article 34 de l’ordonnance n°2001-003 relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
– la non mise en place de la Haute Cour de Justice par le Président de la République ;
– la violation grave et répétée de la Constitution, notamment les articles 1er, 2 et 3 de la Constitution ;
– la non promulgation et la promulgation tardive de lois (27 lois promulguées tardivement et 3 lois non promulguées) ;
– la violation du principe de la séparation des pouvoirs ;
– la violation de l’article 39 de la Constitution sur la neutralité de l’administration ;
– la violation de l’article 5 alinéa 2 de la Constitution sur la non mise en place d’une structure nationale indépendante chargée des opérations électorales;
– la violation de l’article 73 de la Constitution relatif à l’immunité parlementaire ;
-défendeur– la recevabilité de leur demande et la compétence de la Haute Cour Constitutionnelle, conformément à l’article 167 alinéa 2 de la Constitution et l’article 34 de l’ordonnance n°2001-003 relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
– la non mise en place de la Haute Cour de Justice par le Président de la République ;
– la violation grave et répétée de la Constitution, notamment les articles 1er, 2 et 3 de la Constitution ;
– la non promulgation et la promulgation tardive de lois (27 lois promulguées tardivement et 3 lois non promulguées) ;
– la violation du principe de la séparation des pouvoirs ;
– la violation de l’article 39 de la Constitution sur la neutralité de l’administration ;
– la violation de l’article 5 alinéa 2 de la Constitution sur la non mise en place d’une structure nationale indépendante chargée des opérations électorales;
– la violation de l’article 73 de la Constitution relatif à l’immunité parlementaire ;
Considérant que le défendeur soutient à son tour :
– la violation de l’article 30 de l’ordonnance n°2001-003 relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
– l’application immédiate de la loi n°2014-043 sur la Haute Cour de Justice ;
– la violation des articles 14 et suivants de la loi n°2014-043 ;
– la violation de l’article 31 de l’ordonnance n°2001-003 précitée
Et subsidiairement :
-l’irrecevabilité des moyens nouveaux allégués par les demandeurs sur la violation de l’article 73 de la Constitution;
– l’existence d’un coup d’Etat institutionnel ;
– le caractère suspensif du délai de promulgation du fait du contrôle de constitutionnalité exercé par la Haute Cour Constitutionnelle ;
– la violation de l’article 30 de l’ordonnance n°2001-003 relative à la Haute Cour Constitutionnelle ;
– l’application immédiate de la loi n°2014-043 sur la Haute Cour de Justice ;
– la violation des articles 14 et suivants de la loi n°2014-043 ;
– la violation de l’article 31 de l’ordonnance n°2001-003 précitée
Et subsidiairement :
-l’irrecevabilité des moyens nouveaux allégués par les demandeurs sur la violation de l’article 73 de la Constitution;
– l’existence d’un coup d’Etat institutionnel ;
– le caractère suspensif du délai de promulgation du fait du contrôle de constitutionnalité exercé par la Haute Cour Constitutionnelle ;
*
* *
II-Discussions* *
A- EN LA FORME
Considérant que conformément aux
dispositions de l’article 29 de l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre
2001 relative à la Haute Cour Constitutionnelle, la Cour de céans, le 10
juin 2015, a entendu, de manière contradictoire, les observations
orales présentées par les conseils des deux parties ;
1. Sur la compétence de la Haute Cour Constitutionnelle
Considérant que conformément aux
dispositions de l’article 131 de la Constitution, « le Président de la
République n’est responsable des actes accomplis liés à l’exercice de
ses fonctions qu’en cas de haute trahison, de violation grave, ou de
violations répétées de la Constitution, de manquement à ses devoirs
manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. Il ne peut
être mis en accusation que par l’Assemblée Nationale au scrutin public
et à la majorité des deux tiers de ses membres. Il est justiciable
devant la Haute Cour de Justice. La mise en accusation peut aboutir à la
déchéance de son mandat » ; qu’il en procède, en matière d’évocation de
la responsabilité du Président de la République, une compétence
d’attribution que le Constituant confie à la Haute Cour de Justice ;
Considérant que dans le cadre de cette
procédure, la compétence de la Haute Cour Constitutionnelle est
strictement encadrée, et qu’à ce titre, et en application des
dispositions de l’article 132 de la Constitution, « si la déchéance
du Président de la République est prononcée, la Haute Cour
Constitutionnelle constate la vacance de la Présidence de la République
(…) » ;
Considérant que si la Haute Cour de
Justice n’est pas opérationnelle au-delà du délai de douze mois à
compter de l’investiture du Président de la République, l’article 167
alinéa 2 de la Constitution habilite « exceptionnellement » la Haute Cour Constitutionnelle à se substituer à la Haute Cour de Justice ;
Considérant, par ailleurs, que,
conformément aux dispositions de l’article 135 de la Constitution, la
Haute Cour Constitutionnelle qui se substitue à la Haute Cour de
Justice, exerce la plénitude de juridiction attribuée à celle-ci ; qu’à
ce titre, la juridiction de céans, bénéficiant d’une plénitude de
compétences matérielles de la formation de jugement, est autorisée à
statuer sur l’ensemble des questions qui lui sont soumises ;
Considérant que la Constitution, en
prévoyant la mise en place de la Haute Cour de Justice, a consacré la
nature pénale du régime de responsabilité du Président de la République
qui est soumise à son appréciation ; qu’en conséquence, la procédure
requise pour l’évocation de la responsabilité du Président de la
République devant la Haute Cour de Justice est elle-même de nature
pénale, ce que la Loi organique n°2014-043 relative à la Haute Cour de
Justice a confirmé par les maints renvois qu’elle effectue au Code de
procédure pénale pour de nombreux aspects de la procédure à suivre
devant la Haute Cour de Justice, notamment pour ce qui concerne les
articles 55, 56, 58, 60 et 67 in fine de la Loi organique sus-indiquée ;
Considérant qu’intervenant dans cette
configuration, la Cour de céans exerce son office dans le respect du
principe de la légalité des délits et des peines tel que celui-ci est
énoncé par les dispositions de l’article 9 alinéa 2 de la Constitution ;
qu’en conséquence, elle exerce, en l’occurrence, sa juridiction dans le
respect de l’interprétation stricte et non analogique aussi bien de la
légalité matérielle que des règles de procédure ;
Qu’il échet de déclarer la Haute Cour de céans compétente en la matière ;2. Sur la recevabilité de la requête déposée auprès de la Haute Cour Constitutionnelle
Considérant qu’au regard de la nature
pénale de la procédure de déchéance du Président de la République,
celle-ci est soumise, à toutes ses étapes, au respect, en matière
pénale, des principes constitutionnels d’une procédure équitable,
indépendante et impartiale, contradictoire et garantissant l’équilibre
des droits des parties, tels ceux procédant des dispositions de
l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée
le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations Unies et de
celles de l’article 14 du Pacte international des droits civils et
politiques adoptée par la même Assemblée générale le 16 décembre 1966 ;
que ces deux instruments internationaux faisant partie de la Charte
internationale des droits de l’Homme, s’imposent à l’ensemble du
dispositif normatif malgache en application du Préambule de la
Constitution, qui les intègre au sein du bloc de constitutionnalité ;
Considérant que la haute juridiction, en
accédant à la requête des conseils des demandeurs à présenter des
observations orales, conformément aux dispositions de l’article 29
alinéa 2 de l’ordonnance relative à la Haute Cour Constitutionnelle et à
l’échange de mémoires ou conclusions, conformément à l’article 32 de la
même ordonnance, a fait une juste application du principe du
contradictoire lequel est, non seulement un élément substantiel du droit
du procès, mais aussi et surtout, une composante essentielle du
principe de l’égalité des armes et du concept de procès équitable devant
être appliqué dans la présente procédure ;
Considérant que ce principe a une valeur
aussi bien constitutionnelle selon l’esprit de l’article 13 de la loi
fondamentale qu’une valeur internationale affirmée par plusieurs
dispositions du Pacte International relatif aux droits civils et
politiques de 1966 ;
Considérant qu’aux termes de l’article
34 de l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 relative à la Haute
Cour Constitutionnelle, « Les requêtes introductives d’instance
frappées d’irrecevabilité ou de nullité pour inobservation des
prescriptions de la loi ne donnent pas lieu à échange de mémoires ou
conclusions » ;
Considérant que suivant Avis n°01-HCC/AV
du 8 mai 2006 relatif aux modalités de vote de la motion de destitution
du Président de l’Assemblée Nationale, en vertu du principe de la
séparation des pouvoirs consacré par la Constitution, la Haute Cour
Constitutionnelle ne peut interférer dans le fonctionnement interne
d’une institution souveraine notamment en matière de détermination du
mode de votation ;
Qu’il y a lieu de déclarer la requête recevable ;B- AU FOND
1-Sur le respect de la laïcité de l’Etat
Considérant qu’il est reproché au
Président de la République d’avoir signé les résolutions issues du
processus de réconciliation nationale initiée par le FFKM ;
Considérant que selon l’article 2 alinéa 2 de la Constitution, « la
laïcité de la République repose sur le principe de la séparation des
affaires de l’Etat et des institutions religieuses et de leurs
représentants » ; que selon la définition juridique classique, une
République laïque repose, outre sur la séparation des églises et de
l’Etat, sur les idées de neutralité et d’égalité mais aussi sur le
respect des libertés religieuses ;
Que dans le cas d’espèce, l’initiative
et la participation du FFKM au processus de réconciliation nationale ne
constituent pas une violation grave de la Constitution ;
2-Sur la haute trahison
Considérant que la confrontation de
différentes définitions permet de constater que le crime de haute
trahison est un crime d’une certaine gravité qui est de nature à porter
atteinte à la vie de la nation et de l’Etat en général ;
Que faute de définition par un texte, la
Haute Cour Constitutionnelle juge souverainement si les faits pour
lesquels le Président est mis en accusation, sont constitutifs ou non de
haute trahison ;
Considérant que les demandeurs
reprochent au Président de la République d’avoir signé les résolutions
issues des travaux de réconciliation nationale ;
Qu’une telle signature constitue une
simple authentification des résolutions lesquelles ne revêtent pas le
caractère d’un acte public donc n’ayant aucune force contraignante ;
Considérant que la Constitution est la loi suprême de l’Etat et qu’elle s’impose à tous, personnes publiques comme privées ;Qu’ainsi, toute forme de dissolution des institutions de l’Etat envisagée doit être conforme à l’esprit et à la lettre de la Constitution ;
3-Sur la non promulgation et la promulgation tardive des lois
Considérant qu’il est reproché au
Président de la République par la partie demanderesse de ne pas avoir
promulgué dans les délais constitutionnels ou n’avoir pas promulgué du
tout des lois votées par l’Assemblée Nationale ;
Considérant qu’aux termes de l’article 117 de la Constitution, «Avant
leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances
sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la
Haute Cour Constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la
Constitution.
Une disposition jugée inconstitutionnelle ne peut être promulguée. Dans ce cas, le Président de la République peut décider, soit de promulguer les autres dispositions de la loi ou de l’ordonnance, soit de soumettre l’ensemble du texte à une nouvelle délibération du parlement, ou du Conseil des ministres selon le cas, soit de ne pas procéder à la promulgation.
Dans les cas prévus ci-dessus, la saisine de la Haute Cour Constitutionnelle suspend le délai de promulgation des lois. » ;
Une disposition jugée inconstitutionnelle ne peut être promulguée. Dans ce cas, le Président de la République peut décider, soit de promulguer les autres dispositions de la loi ou de l’ordonnance, soit de soumettre l’ensemble du texte à une nouvelle délibération du parlement, ou du Conseil des ministres selon le cas, soit de ne pas procéder à la promulgation.
Dans les cas prévus ci-dessus, la saisine de la Haute Cour Constitutionnelle suspend le délai de promulgation des lois. » ;
Considérant que la Haute Cour
Constitutionnelle tient à faire remarquer que les trois lois non
promulguées ci-dessus ont été censurées pour non conformité à la
Constitution suivant décisions n°22-HCC/D3 du 5 septembre 2014,
09-HCC/D3 du 28 janvier 2015 et 16-HCC/D3 du 20 février 2015 ;
4-Sur la non mise en place de la Haute Cour de Justice
Considérant qu’il est reproché au
Président de la République de ne pas avoir mis en place la Haute Cour de
Justice dans le délai imparti par la Constitution ;
Considérant qu’en dépit de
l’identification et de la désignation d’une large majorité des
personnalités devant composer la Haute Cour de Justice, pour le
Président de la République, il existe une obligation de moyen et non de
résultat aux termes de l’article 167 alinéa 1er de la Constitution ; que
toutefois, la Haute Cour estime qu’il convient de parachever le
processus de désignation des membres qui a déjà été commencée;
5-Sur la violation de l’article 5 alinéa 2 de la Constitution
Considérant que les demandeurs
reprochent au Président de la République de ne pas avoir procédé à la
dissolution de la CENI-T et à la mise en place d’une structure nationale
indépendante chargée de l’organisation et de la gestion de toutes les
opérations électorales prévue par l’article 5 alinéa 2 de la
Constitution ;
Considérant que la CENI-T est un organe
administratif indépendant de mission ; que son existence est liée à la
réalisation de trois objectifs que sont la première élection
présidentielle de la quatrième République, les premières élections
législatives et les premières élections communales et municipales, ainsi
qu’il résulte de la Feuille de route insérée dans l’ordonnancement
juridique interne ;
Considérant qu’en ce qui concerne le
décret n°2015-617 du 1er avril 2015 fixant les modalités d’organisation
des élections communales et municipales, modifié par le décret
n°2015-630 du 7 avril 2015, la haute juridiction n’est pas habilitée à
se prononcer sur la légalité d’un acte réglementaire ;
6-Sur le non respect de l’article 39 de la Constitution
Considérant que le non respect de
l’article 39 de la Constitution, relatif à la neutralité politique de
l’Administration, constitue un autre grief allégué contre le Président
de la République ;
Considérant qu’il y a lieu de préciser
qu’aucune disposition constitutionnelle n’interdit en aucun cas au
Président de la République de nommer des membres du Gouvernement issus
de la majorité présidentielle ;
7-Sur la violation du principe de la séparation des pouvoirs
Considérant que la Constitution de la
quatrième République instaure un régime semi-présidentiel, un régime de
séparation souple des pouvoirs et de collaboration des pouvoirs ; que
l’autonomie des organes n’est pas la conséquence de l’isolement des
organes mais, au contraire, celle de leur rapprochement et des actions
qu’ils peuvent exercer à l’égard des autres organes ; que dans la
pratique de ce type de régime, le Président de la République peut
rencontrer aussi bien les députés de sa majorité que ceux de
l’opposition ;
Considérant que compte tenu de la nature
pénale des griefs allégués contre le Président de la République, il est
de principes généraux de droit en matière d’infraction pénale que
l’auteur doit faire l’objet de poursuite par le ministère public qui met
en mouvement l’action publique en sa qualité de maître de la poursuite ;
que ce principe n’a pas été respecté ;
Considérant que dans le cas d’espèce, le
Président de la République a fait l’objet seulement de mise en
accusation par des députés mais non encore poursuivi ;
Considérant que de tout ce qui précède, la requête de mise en
accusation aux fins de déchéance du Président de la République, n’est
pas fondée ;
*
* *
* *
Considérant qu’en vertu de sa fonction
de régulation des institutions de la République, la Haute Cour
Constitutionnelle se doit de déployer les voies et moyens utiles et
nécessaires pour ne pas paralyser le fonctionnement régulier de l’Etat ;
Considérant, en outre, que les
fondements de la République sont fragilisés par une crise
institutionnelle majeure ; que le bon fonctionnement de la République
dépend de la mise en place de toutes les institutions et organes
constitutionnels prévus par la Loi fondamentale ; que la Constitution de
la Quatrième République a instauré un régime semi-présidentiel,
caractérisé par la séparation souple et la collaboration des pouvoirs
exécutif et législatif ; que dans l’intérêt supérieur de la Nation et de
la République, tout doit être mis en œuvre pour le fonctionnement
régulier de l’Etat ;
En conséquence,
D é c i d e :
Article premier.- La demande des requérants est recevable.D é c i d e :
Article 2.- La demande est rejetée comme non fondée.
Article 3.- Les institutions gouvernantes de la République (Président de la République, Gouvernement, Assemblée Nationale) exercent pleinement leurs fonctions conformément à la Constitution.
Article 4.- L’exécutif et le législatif respectent les principes de la séparation et de la collaboration des pouvoirs, fondements du régime semi-présidentiel de la Quatrième République.
Article 5.- Les institutions de la République œuvrent en faveur d’un pacte de responsabilité, garant du bon fonctionnement de l’Etat, dans le cadre de la Constitution en vigueur.
Article 6.- La présente décision sera notifiée au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, Chef du Gouvernement et publiée au journal officiel de la République.
Ainsi délibéré en audience privée tenue à Antananarivo, le vendredi douze juin l’an deux mille quinze à neuf heures, la Haute Cour Constitutionnelle étant composée de :
Mr. RAKOTOARISOA Jean-Eric, Président ;
Mme ANDRIANARISOA RAVELOARISOA Fara Alice, Haut Conseiller-Doyen ;
Mme RASAMIMANANA RASOAZANAMANGA Rahelitine, Haut Conseiller ;
Mme RAHARISON RANOROARIFIDY Yvonne Lala Herisoa, Haut Conseiller ;
Mr. TSABOTO Jacques Adolphe, Haut Conseiller ;
Mr RABEHAJA-FILS Edmond, Haut Conseiller ;
Mme RAMIANDRASOA Véronique Jocelyne Danielle, Haut Conseiller ;
Mr DAMA Andrianarisedo Retaf Arsène, Haut Conseiller ;
Mr ZAFIMIHARY Marcellin, Haut Conseiller ;
et assistée de Maître RALISON Samuel Andriamorasoa, Greffier en Chef.
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